« With bike ! It’s crazy !!! » Il est 4 heures du matin sous le chapiteau du derby quand un norvégien plus très net me lance cette affirmation, son verre de rouge à la main et son snus* en bouche. Une phrase que j’ai déjà entendue plusieurs fois ces derniers jours…
La Meije, c’est Grave !
Je vous plante le décor. Un rendez-vous tant attendu, plus de 1000 participants venus des quatre coins du globe, Une semaine entière de fête et de concert et tout ça dans La Mecque du Freeride … Je vous rassure tout de suite car j’en vois déjà bondir sur leur canapé ! On n’est pas à Whistler et la Crankworks n’a pas changé de date ! On est bel et bien dans le paradis des Freeriders, mais de ceux qui ont des planches aux pieds : La Grave.
Je vois que ça commence à vous dire quelque chose… C’est ici même où prenait place la défunte Fat Wheels, meeting de Freeride à grosses roues 100% fromage qui pue. Et bien voyez vous La Grave-La Meije est avant tout un haut lieu de la glisse libre l’hiver ! C’est même un endroit reconnu mondialement et unique en son genre. Je vous explique. A l’ombre de la légendaire Reine Meije, dernier haut sommet des Alpes conquis, certains érudits ont eu l’idée d’implanter un téléphérique sur ses flancs. Rien de bien original me direz-vous. Et pourtant, c’est ici que ça devient intéressant. Au lieu d’envoyer des armées de dameuses et de bétonneuses pour appâter le touriste naïf, ils ont préféré laisser l’endroit tel quel et laisser dame nature jouer avec l’imagination de ses nouveaux visiteurs. Mieux que le ski de rando ou l’héliski : la station hors-piste!
Seul contrainte, être le plus rapide et choisir la bonne ligne!Qui dit lieu insolite, dit évènement fantastique, donc pas facile de trouver une manifestation qui colle avec l’esprit du coin. La Red Bull Rampage et l’Xtreme de Verbier n’existant pas à la fin des 80’s, date des premiers derbys, on n’allait pas s’encombrer de juges. Le mieux étant d’organiser une manifestation avec le moins de règles possible et ouverte à tous ! Le principe du Derby est simple. Départ du sommet et arrivée dans la vallée jusqu’où l’enneigement le permet. Seul contrainte, être le plus rapide et choisir la bonne ligne! Pour ce qui est des concurrents et de la discipline choisie, là aussi c’est simple, tout le monde peut tenter l’expérience avec n’importe quel engin, du moment que la glisse est maitrisée. Là, il y a eu comme l’effet d’une bombe dans le petit monde de la glisse. Une sorte de révélation pour certains. Et bon nombre de skieurs, de snowboarders, de monoskieurs, de télémarkeurs et j’en passe ont afflué dans le petit village de l’Oisans pour venir à bout de ces 2150 mètres de bonheur le plus rapidement possible.
-« Bon, le ski c’est bien beau, mais il veut en venir où ? On n’est pas sur skipass.com là! »
Et jusqu'à preuve du contraire le Mountain Bike ça marche aussi sur la neige!J’ai bien dit TOUS les engins! Et jusqu'à preuve du contraire le Mountain Bike ça marche aussi sur la neige! Bon c’est vrai, c’est plus confortable sur des pistes damées mais c’est loin d’être impossible sur du « non préparé » ! Il faut dire que quand on parle d’espace vierge, beaucoup s’imagine le standard vidéo, de la peuf jusqu’au genou, musique à donf et tricks de folie mais ce n’est pas seulement ça. Sans vous faire un cours de nivologie, il faut savoir que la neige de printemps peut s’avérer très dure grâce au cocktail journée ensoleillée / nuit froide et donc roulable avec nos gros vélos ! Le derby étant organisé idéalement en fin de saison hivernale, il reste donc compatible avec le 26 pouces. Il est vrai que peu de bikers se sont essayés à l’aventure, les « dires » populaires n’en dénombrent qu’une petite dizaine depuis 20 ans. La faute, peut être, à une concurrence de dates avec le début de la saison DH. Quoi qu’il en soit, cette année, j’ai décidé de me jeter à l’eau…heu à la neige !
In bicyclette we trust !
Même si sur certaines parties, le compteur s’affole et avoisine les 90 km/h.En ce 3 avril, le beau temps est au rendez-vous, et il fait presque chaud sur le glacier de La Girose, pourtant situé à 3600m. Sur la ligne de départ, c’est un peu l’euphorie et je suis bien seul à espérer de la neige glacée. C’est par vague de dix que les fauves sont lâchés, toute catégorie confondue. C’est là le charme de cette compétition, aucune distinction. Sur un même Start, on peut se retrouver avec une snowboardeuse en « skinsuit », jouer des coudes avec un gars en handiski et voir un peu plus loin deux skieurs déguisés en gendarme se tirer la bourre avec un mec en luge! Malgré l’aspect carnavalesque de quelques concurrents, certains ne sont pas là pour rigoler. Lors du briefing de la veille, les organisateurs n’hésitent pas à déconseiller l’accès de certains couloirs aux plus lents, sous peine de voir débarouler sous leurs yeux des missiles lancés à plus de 140 km/h ! Ici, le choix de la ligne est crucial, surtout quand on est « chaussé » de crampons. Le but du jeu n’étant pas d’aller le plus vite possible, mais de perdre le moins de temps. Même si sur certaines parties, le compteur s’affole et avoisine les 90 km/h. Mieux vaut être sur de soi ! Car dans les sections raides, le style est loin d’être académique. Surtout lorsqu’on approche des vallons de La Meije, à mi-course.
Imaginez un champ de bosses de piste noire. Vous voyez ! Ces mêmes murs qui nous faisaient trembler quand on était à l’école de ski. D’ailleurs, si vous êtes champion de rodéo, ça peut aider, car il n’y a pas cinquante solutions: c’est drè dans l’pentus. Le mieux c’est de l’aborder tête froide car la technique est assez spéciale : un pied au sol en guise d’appui et qui sert accessoirement de frein, le corps en arrière avec la selle sous le ventre, en essayant d’alléger un maximum l’avant et en priant que la roue ne plante pas sous peine de passer par-dessus le guidon ! Ceux qui ont pris part à la Méga ou la Mountain savent de quoi je parle... Le plus dur est de rester en surface le plus possible, il faut donc toujours garder une vitesse élevée, quelque soit l’inclinaison de la pente. Dès les replats, on a vite fait de se retrouver à pédaler comme un fou pour conserver son dû. Heureusement que la partie basse est du genre béton ! La bête noire du skieur devient aubaine pour le rider à pédale.
On en oublie presque qu’on évolue dans la neige. Le moindre mouvement de terrain se transforme en saut, on peut enfin placer des relances entre deux obstacles et tout ça dans un décor exceptionnel. On longe une moraine avant de s’enfiler dans des goulets et de tirer des droites à la lisière des premiers sapins. On a l’impression de flotter sur la montagne. Toutes nos contraintes habituelles ont disparu : plus de pierres, plus de racines, plus de sentiers, juste nous, le vélo et la montagne. On se surprend à redécouvrir le mot Freeride. C’est féerique !
Mais, il ne faut pas crier victoire pour autant. Les derniers mètres réservent encore quelques surprises. La raquette d’arrivée se situe vers 1800m, à Chalvachères, dans un énorme dévers. On a beau avoir monté des pneus boue avec les crampons qui vont bien, rien ne rivalise avec des carres affutés… Je fini ma course dans la barrière de l’arche d’arrivée, sous les acclamations du public ! La montagne en résonne encore.
Beer or not to beer !
La journée est loin d’être finie. Tout d’abord la revanche du cycliste sur le skieur. Chalvachères est un lieu-dit perdu en pleine montagne et il reste 400m de dénivelé avant de rejoindre le village. Pour la majorité, la meilleure alternative c’est la marche à pied. Car jusqu'à preuve du contraire le ski ça ne glisse pas sur l’herbe ! Mais pour nous c’est du bonheur, comme le rab au self du lycée ou les bonus des vidéos. Et plus, ce n’est pas tout les jours qu’on peut se targué de rider une descente de 2100m de dénivelés négatifs. Après l’effort, le réconfort.
S’ensuit un énorme repas campagnard arrosé de Chartreuse-orange. Les discussions vont bon train et chacun y va de son détail pour imager sa descente. La vallée vit à l’heure du Derby. Les terrasses des bars sont pleines, il y a des défilés de ski-jorette dans les rues, des conférences sur le Tibet…Mais tout les riders n’attendent qu’une chose : les concerts du soir qui auront lieu sous un chapiteau monté spécialement à cet effet. Encore une bonne soirée en perspective qui mettra un terme à cette 21ème édition du Derby de La Meije. D’ailleurs certains termineront à l’aube dans un état proche de la décomposition…Mais ceci est une autre histoire !
*tabac à chiquer norvégien. Je vous le déconseille, c’est pas très bon, beurk !
La vidéo officielle de nos amis de skipass.com qui n'ont pas trop vue de vtt mais c'est pas grave...
Le Portfolio
9 Commentaires
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merci vtt freerude
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